La réforme fiscale de 2025 transforme profondément le régime des donations en France. Face à la volonté gouvernementale de fluidifier la transmission du patrimoine entre générations tout en préservant les recettes fiscales, de nouvelles dispositions entrent en vigueur. Ces modifications touchent tant les abattements fiscaux que les délais de rappel fiscal, avec un impact direct sur les stratégies de transmission. Les contribuables et leurs conseillers doivent désormais maîtriser ces changements substantiels pour optimiser leurs opérations de transmission patrimoniale dans un cadre légal réaménagé qui offre de nouvelles opportunités mais impose de nouvelles contraintes.
Le nouveau cadre juridique des donations en 2025
La loi de finances 2025 a substantiellement modifié le régime fiscal des donations. Le délai de rappel fiscal, période durant laquelle les donations antérieures sont prises en compte pour le calcul des droits, passe de 15 à 10 ans. Cette réduction constitue une avancée majeure pour les donateurs qui peuvent ainsi renouveler plus rapidement leurs transmissions en franchise de droits.
Parallèlement, les abattements personnels connaissent une revalorisation significative. Pour les transmissions en ligne directe, l’abattement s’élève désormais à 120 000 euros par enfant (contre 100 000 euros précédemment), renouvelable tous les 10 ans. Entre grands-parents et petits-enfants, l’abattement atteint 45 000 euros, tandis qu’entre frères et sœurs, il s’établit à 20 000 euros.
Le barème progressif des droits de donation a été remanié avec l’ajout d’une tranche supplémentaire. Pour les transmissions supérieures à 1,8 million d’euros, le taux marginal atteint désormais 50% en ligne directe, contre 45% auparavant. Cette mesure vise à renforcer la contribution des patrimoines les plus élevés.
La donation temporaire d’usufruit voit son régime précisé par voie réglementaire. Pour être fiscalement opposable, elle doit désormais avoir une durée minimale de 5 ans (contre 3 ans dans la pratique antérieure) et répondre à des conditions de fond plus strictes, notamment quant à la justification de l’intérêt légitime du donateur.
Les dons familiaux de sommes d’argent bénéficient d’un abattement spécifique de 40 000 euros, applicable sous conditions d’âge (donateur de moins de 80 ans, donataire majeur). Cette mesure, initialement temporaire, est pérennisée et cumulable avec les abattements personnels, offrant ainsi une opportunité supplémentaire de transmission défiscalisée.
Optimisation fiscale des donations aux descendants
La planification optimale des donations aux descendants requiert désormais une approche stratégique tenant compte des nouvelles règles fiscales. L’utilisation des abattements renouvelables tous les 10 ans constitue le premier levier d’optimisation. Pour une famille avec deux enfants, la possibilité de transmettre 240 000 euros en franchise de droits tous les 10 ans représente une opportunité substantielle de transmission patrimoniale défiscalisée.
Le recours aux donations-partages se révèle particulièrement avantageux dans ce nouveau contexte. Ces actes bénéficient non seulement des abattements classiques mais profitent d’une réduction de droits de 25% lorsque le donateur a moins de 70 ans. Par exemple, pour une donation-partage de 500 000 euros à deux enfants, l’économie fiscale peut atteindre 15 000 euros par rapport à une donation simple.
La technique du démembrement de propriété conserve toute sa pertinence mais doit être adaptée. Le barème fiscal de l’article 669 du CGI n’ayant pas été modifié, la donation en nue-propriété reste avantageuse, particulièrement pour les donateurs âgés de 51 à 71 ans (valeur de l’usufruit entre 50% et 30%). Pour un bien évalué à 400 000 euros, la donation de la nue-propriété par un donateur de 65 ans ne sera taxée que sur 280 000 euros.
Les donations graduelles et résiduelles, dispositifs moins utilisés jusqu’alors, trouvent un regain d’intérêt. La donation graduelle permet d’organiser une transmission sur deux générations avec un seul droit de mutation, tandis que la donation résiduelle autorise le premier gratifié à disposer des biens de son vivant. Ces mécanismes répondent particulièrement aux situations familiales recomposées.
L’articulation entre assurance-vie et donations mérite une attention particulière. La souscription d’une assurance-vie par le donataire, financée par les liquidités reçues, permet de prolonger l’optimisation fiscale sur la génération suivante. Cette stratégie en deux temps maximise l’effet des abattements fiscaux sur deux générations tout en sécurisant le capital transmis.
La fiscalité spécifique des donations d’entreprise
Le pacte Dutreil connaît des ajustements significatifs en 2025. La réduction de droits passe de 75% à 80% pour les transmissions d’entreprises familiales, sous réserve d’un engagement collectif de conservation des titres pendant 4 ans (contre 2 ans précédemment), suivi d’un engagement individuel de 4 ans. Ce dispositif bonifié permet désormais de transmettre une entreprise valorisée 5 millions d’euros avec des droits limités à 200 000 euros, contre 250 000 euros auparavant.
L’extension du pacte Dutreil aux holdings animatrices est clarifiée par la loi, mettant fin à une jurisprudence fluctuante. Sont désormais éligibles les holdings qui participent activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales, avec des critères précis d’identification (participation aux décisions stratégiques, existence de conventions de prestations effectives, etc.).
La donation avant cession demeure une stratégie pertinente mais fait l’objet d’un encadrement renforcé. Le délai minimal entre la donation et la cession passe à 12 mois pour échapper à la présomption d’abus de droit. Pour une entreprise valorisée 3 millions d’euros, cette technique peut néanmoins générer une économie fiscale de plus de 500 000 euros par rapport à une cession suivie d’une donation.
Le crédit de paiement différé et fractionné des droits de mutation bénéficie d’un taux d’intérêt réduit de 1,5% (contre 1,7% auparavant). Ce dispositif permet d’étaler le paiement des droits sur 15 ans, avec un différé initial de 5 ans, pour les transmissions d’entreprises. Cette facilité de paiement représente un atout considérable pour préserver la trésorerie de l’entreprise transmise.
Les donations temporaires d’usufruit de titres voient leur régime sécurisé, sous réserve que le donataire de l’usufruit perçoive effectivement les dividendes et exerce les droits de vote. Pour une société générant 200 000 euros de dividendes annuels, une donation temporaire d’usufruit de 10 ans au profit d’enfants majeurs peu imposés peut générer une économie fiscale globale supérieure à 300 000 euros.
Donations internationales et nouvelles contraintes
Le cadre juridique des donations transfrontalières connaît une évolution notable avec la mise en place d’un registre européen des donations. Ce dispositif, opérationnel dès janvier 2025, impose une déclaration systématique des donations transfrontalières dépassant 50 000 euros. Les administrations fiscales des États membres peuvent désormais accéder à ces informations, limitant considérablement les possibilités de contournement des législations nationales.
La territorialité des droits de donation reste fondée sur le domicile fiscal du donateur et du donataire. Un donateur résident fiscal français reste soumis aux droits français sur l’ensemble des biens transmis, où qu’ils soient situés, sauf application des conventions fiscales. En 2025, trois nouvelles conventions bilatérales entrent en vigueur (avec le Canada, Singapour et les Émirats Arabes Unis), modifiant les règles d’imposition pour les résidents de ces pays.
Les trusts et autres structures équivalentes font l’objet d’un contrôle accru. La loi de finances 2025 renforce les obligations déclaratives et étend l’application du taux forfaitaire de 60% aux transmissions via des entités interposées situées dans des États non coopératifs. Par exemple, une donation indirecte via une fondation liechtensteinoise sera désormais systématiquement taxée au taux maximum, sauf si le contribuable démontre l’absence d’intention d’éluder l’impôt français.
L’exonération des biens professionnels situés à l’étranger devient plus restrictive. Pour bénéficier des régimes de faveur (notamment le pacte Dutreil), l’activité exercée doit désormais être effective dans un État membre de l’Union Européenne ou partie à l’accord sur l’Espace Économique Européen. Cette limitation affecte particulièrement les structures détenant des actifs dans des juridictions tierces comme la Suisse ou le Royaume-Uni.
La donation temporaire d’usufruit à des organismes d’intérêt général étrangers voit son régime fiscal précisé. Pour bénéficier de l’exonération d’IFI sur la valeur de la nue-propriété, l’organisme donataire doit désormais être établi dans un État membre de l’Union Européenne et poursuivre des objectifs similaires à ceux des organismes français éligibles au mécénat. Cette clarification ouvre des perspectives intéressantes pour les patrimoines internationaux à vocation philanthropique.
Stratégies patrimoniales innovantes pour 2025 et au-delà
La donation-investissement émerge comme un dispositif novateur en 2025. Ce mécanisme permet de bénéficier d’une réduction supplémentaire de 30% des droits de donation lorsque les sommes transmises sont affectées, dans les 12 mois, à la création ou au développement d’une entreprise respectant certains critères environnementaux. Pour une donation de 500 000 euros, l’économie fiscale peut atteindre 45 000 euros si le donataire investit dans une start-up éligible.
Le cantonnement successoral, étendu aux donations par la réforme, permet au donataire de n’accepter qu’une partie des biens donnés, sans que cela constitue une libéralité taxable envers les autres bénéficiaires. Cette faculté offre une souplesse inédite dans l’organisation des transmissions complexes, particulièrement utile dans les familles recomposées ou pour les patrimoines comprenant des actifs de nature diverse.
Les donations numériques bénéficient désormais d’un cadre juridique clarifié. Les actifs virtuels (cryptomonnaies, NFT) peuvent être transmis selon les règles classiques des donations mobilières, avec une valorisation au jour de la transmission. La plus-value latente est purgée chez le donateur, mais le donataire reçoit ces actifs avec une valeur d’acquisition correspondant à la valeur déclarée dans l’acte de donation.
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La donation philanthropique optimisée combine avantageusement réduction fiscale immédiate et transmission patrimoniale. Le nouveau dispositif de donation temporaire d’usufruit avec option d’achat au profit de fondations permet au donateur de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu de 66% de la valeur de l’usufruit, tout en conservant la possibilité de transmettre ultérieurement la nue-propriété à ses héritiers avec un abattement spécifique de 50%.
L’intégration des considérations environnementales dans la fiscalité des donations se concrétise avec l’introduction d’un abattement supplémentaire de 100 000 euros pour les transmissions d’immeubles ayant fait l’objet d’une rénovation énergétique complète. Cette mesure s’inscrit dans la transition écologique du patrimoine immobilier français et constitue un levier d’optimisation fiscale significatif pour les détenteurs de biens immobiliers anciens.
La donation transgénérationnelle avec saut de génération voit son régime assoupli. La renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR) peut désormais s’accompagner d’une stipulation de représentation permettant aux petits-enfants de recevoir directement la part de leur parent renonçant, avec maintien des abattements en ligne directe. Cette évolution facilite l’organisation de successions anticipées sur trois générations tout en préservant l’équité familiale.
